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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 16:50

Je me permets de vous passer en copier-coller intégral une réaction d'Isabelle.

Je vous donnerai plus tard mon point de vue, plus "légiste".

Pollution de l'eau : l'Etat doit mettre au pas l'agriculture industrielle*

 

/Isabelle Autissier, présidente du WWF France, Point de vue, Le Monde,

16/06/2010/

 

*Dans son rapport annuel 2010, la Cour des comptes vient une nouvelle

fois d'épingler "l'insuffisante volonté de l'Etat de remettre en cause

des pratiques agricoles marquées par l'encouragement au productivisme et

le choix d'une agriculture intensive"*. Cela a valu à l'Etat plusieurs

condamnations, aux niveaux national et européen, la dernière concernant

l'affaire des algues vertes. Et avant la fin de l'année, la France

risque d'être une nouvelle fois condamnée pour son non-respect de la

directive nitrates. La situation est telle que le Conseil d'Etat est

allé jusqu'à reconnaître, dans un rapport publié début juin (L'eau et

son droit), que "la sanction communautaire est le seul levier efficace

pour surmonter le poids conjugué des intérêts économiques ou catégoriels

et de l'inertie des collectivités publiques face à eux, Etat et

collectivités territoriales".

 

 

Le documentaire Du poison dans l'eau du robinet diffusé le 17 mai sur

France 3 a jeté un trouble sur l'information relative à la qualité de

l'eau potable distribuée en France. Il soulève surtout la question des

pollutions en amont : comment croire que l'on va pouvoir traiter

indéfiniment, à un coût acceptable pour la société, les eaux brutes qui

sont le réceptacle de toutes nos pollutions ?

 

Qu'en 2008, 75 % des restrictions de consommation d'eau, sur le seul

critère des pesticides, aient été concentrées dans la Seine-et-Marne et

l'Eure-et-Loir n'est pas une surprise : ces deux départements arrivent

en tête au niveau national pour la production intensive de grandes

cultures céréalières. En raison de coûts de production particulièrement

élevés dus à l'achat important d'intrants (nitrates, pesticides…), ce

mode de production ne serait pas tenable s'il n'était largement

subventionné par la politique agricole commune (PAC). C'est donc à

l'aide de l'argent du contribuable que l'eau de ces départements est

contaminée.

 

*IL EST TEMPS DE SORTIR DE LA "COGESTION" ENTRE LE MINISTÈRE DE

L'AGRICULTURE ET LA FNSEA*

 

Hélas ! Il n'y a rien ici de nouveau : la première interdiction de

distribution d'eau potable à cause des nitrates remonte à… 1976. C'était

il y a trente-quatre ans… Qu'a-t-on fait depuis ? En 1980, le rapport

Hénin désignait l'agriculture intensive comme responsable d'une

"pollution diffuse" en participant largement à la dégradation de la

ressource en eau. Depuis, les rapports se sont accumulés, toujours plus

accablants. En 2001, soit vingt et un ans plus tard, le rapport

Villey-Desmeserets concluait que "la contamination des cours d'eaux

surveillés est générale". Pourtant les gouvernements successifs n'ont

pas remis en cause le modèle agro-industriel.

 

Plus précisément, les pouvoirs publics n'ont fait que tenter d'atténuer

à la marge les "dommages collatéraux" de l'agriculture industrielle. Ils

ont surtout misé sur des traitements curatifs de plus en plus coûteux

pour parvenir à transformer une eau de plus en plus polluée en eau potable.

 

Un exemple : 200 millions d'euros au minimum pour régler le problème de

l'eau potable dans le seul département de l'Eure-et-Loir. Pour préserver

l'eau face aux pollutions agricoles, ce sont 310 millions d'euros qui

ont été alloués, sans résultats probants, pour la seule Bretagne entre

1993 et 2000 et, au niveau national, 493 millions d'euros sont prévus au

titre de la lutte contre les pollutions agricoles par les agences de

l'eau entre 2007 et 2012… Il faut savoir que ces coûts sont supportés

par les ménages, en contradiction avec le principe du pollueur-payeur,

ce que la Cour des comptes a dénoncé à plusieurs reprises. Le Conseil

d'Etat vient de lui emboîter le pas, de manière très sévère, appelant à

une étude sur le coût de la pollution ainsi qu'à une application

nettement plus rigoureuse du principe pollueur-payeur à l'agriculture

avec notamment l'instauration d'une taxe sur les nitrates.

 

Ainsi, le contribuable, après avoir subventionné des pratiques

polluantes, paie pour la dépollution puis les condamnations ! On marche

sur la tête ! Les récents propos de M. Le Métayer affirmant que "la

pause environnementale ne coûtera pas d'argent" sont aussi faux

qu'irresponsables. Ils auraient en outre pour résultat de maintenir les

agriculteurs dans un système dont ils sont autant victimes qu'acteurs,

comme maillon d'une chaîne de production qui les dépasse et qui les a

conduits dans une impasse économique, sociale et écologique. Ces propos

sont d'autant plus irresponsables que les études scientifiques pointant

les dangers des produits phytosanitaires pour la santé des agriculteurs

s'accumulent.

*

ÉLABORER UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL AVEC LES AGRICULTEURS*

 

Pourtant l'Etat continue de subventionner majoritairement les pratiques

agricoles intensives. Les premières réorientations du Grenelle et du

plan Barnier sont à encourager mais restent insuffisantes. Alors que

l'alerte est donnée depuis maintenant trente ans, il y a, comme pour

l'amiante, une volonté de nier la gravité du problème et de ne pas

s'attaquer à sa cause première : l'agriculture industrielle. Pourtant

d'autres modèles agricoles existent et ont déjà fait leurs preuves. Ils

sont bénéfiques pour l'environnement, l'emploi et le revenu des

agriculteurs et sont pratiqués par des dizaines de milliers

d'agriculteurs en France.

 

La responsabilité des gouvernements successifs est lourde. Devant tant

d'incohérences, le WWF demande une commission d'enquête parlementaire

sur la gestion du service public de l'eau au regard des pollutions

agricoles diffuses, un rapport de la Cour des comptes sur la

responsabilité des pouvoirs publics et le coût supporté par les Français

depuis 1980 du fait de leur carence, un rapport exhaustif sur les aides

publiques dommageables à l'environnement ainsi qu'un Grenelle de l'Eau,

l'eau ayant été la grande oubliée du Grenelle de l'environnement.

 

Il est grand temps de dire la vérité aux Français et aux agriculteurs,

de sortir de la "cogestion" entre le ministère de l'agriculture et la

FNSEA, de cesser de gaspiller les deniers publics et d'élaborer un

nouveau contrat social avec les agriculteurs, basé sur la reconnaissance

ainsi que la rémunération des services environnementaux qu'ils rendent à

la société toute entière.

 

Le ministre de l'agriculture qui saura initier la remise en cause du

modèle agricole industriel s'inscrira comme un grand ministre de

l'agriculture, sinon il viendra s'ajouter à une liste déjà longue de

responsables d'une situation alarmante. La position de la France pour la

prochaine réforme de la PAC, et la place qui sera donnée à la protection

et la gestion des ressources naturelles, témoignera de la volonté du

gouvernement de mettre fin – ou non – à l'incohérence entre politique de

l'eau et politique agricole et à ce qui constitue depuis trente ans un

scandale d'Etat.

 

 

 

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